SERGE BORNSTEIN

Dr Serge BORNSTEIN, Grille d'évaluation psychiatrique expertale au pénal, In Bulletin de psychiatrie, Numero 4.3, (parution semestrielle ou annuelle), édition du 18 mai 1989.


GRILLE D'EVALUATION PSYCHIATRIQUE EXPERTALE AU PENAL


Lieu d'examen - dates - nb ex. -

sujet libre au cabinet ou en dispensaire -
en maison d'arrêt ou centrale: cellule (mitard) - parloir - infirmerie - SMPR (Service médico-psychiatrique régional) - hôpital
(C'est parfois un parcours du combattant et il faut s'armer de patience).

Présentation

habitus - niveau socioculturel apparent -
coopération -
langage/mutisme, autre élément.

Orientation générale

CARACTERIOPATHIE
Impulsivité - colères clastiques
Instabilité - violence - opposition
Témébilité - récidive
Duplicité - manipulation
Mythomanie - imagination.

ANXIÉTÉ
Angoisse physique - dystonie neurovégétative - «spasmophilie»
Matériel phobique... et/ou obsessionnel...
Manifestations hystériformes - attaques de panique
Hypocondrie
Appétence exotoxique.

CYCLOTHYMIE
Hauts et bas
Unipolaire
Dépression/péjoration
Manie/exaltation.

RELATIONNEL
Le sujet dans son autoportrait...

Questionnaire
Réactivité - vibrato émotionnel - têtu - râleur - grande gueule
Fier - orgueilleux - ambitieux - travailleur
Psychorigidité: méfiant- susceptible - rancunier
Croyant - pratiquant
Range bien - organisé/désordre
Préférence: seul/en groupe.

STRUCTURE
Compatible - adaptée - normative
Déficitaire: arriération (degré) - démence (variété et importance)
Névrotique
Dysharmonique (prépsychotique) - borderline
Psychotique - nombre épisodes - forme fixée, aiguë, subaiguë ou évolutive - confusion, autisme, dissociation, discordance idéo-affective, délire (variété) - production psychosensorielle - interprétation - intuition - imagination.

PERSONNALITE
QI verbal/questionnaire automatismes idiomatiques.
Approche gnoséo-intellectuelle: orientation, attention, concentration, mémoire, jugement, raisonnement, discernement, calcul (4 opérations).
Particularités comportementales - affectives
Dominante - paranoïaque/dominé - dépendante
Antisociale —> conduite psychopathique
Schizoïde
Divers - histrionique.

Recueil des données socio-biographiques et professionnelles

ANTECEDENTS
Familiaux: père - mère - fratrie (âge, affections, profession, statut conjugal pour chacun) - images identificatoires du parent ou beau-parent.
Personnels:
Elevé par ... lieu ... - Scolarité ... diplômes ... - apprentissage.
Médicochirurgicaux, (enfant): anomalies génétiques, convulsions hyperpyrétiques, épilepsie, somnambulisme, énurésie primaire ou secondaire - (adulte) vénériens, VIH, Hépatite C, toxiques (éthyl, tabac, cannabisme, drogues dures, autres...)
Psychiatriques: placements enfant (complexe éducatif Impro) - ado - adulte (HO, HDT, SL) - tentatives de suicide. Oscillations asile/prison. Traitements chimiothérapiques et psychothérapiques.
Judiciaires, ... peines (casier).
Service national. Emplois, promotions, absentéisme, licenciements, chômage. Life events.

SEXE
Le sujet a-t-il été victime - agressé enfant?
Age lors de la première relation sexuelle complète
Préférence: hétérosexualité - homosexualité - bisexualité - pédophilie (variétés âge/sexe) adolescentophilie - transsexualité
Agresseur,   type immaturopervers
                            névroticopervers.
Paraphilies: exhibitionnisme - fétichisme - sadomasochisme - transvestisme - voyeurisme - autres... Types de fantasmes masturbatoires... Appartenance à réseau cyberpédopornographique.
Timidité: vis-à-vis autre sexe/en général.
Facteur péjoratif: agression ou viol d'un inconnu ou n.
Nombre de partenaires (pénétration)... nombre de fois amoureux...
Unions: mariage, concubinage, pacs.

LOISIRS
Livres - collections - films - musique - sports - chasse - pêche - voyages.

Recueil des données somatiques

Taille... poids... latéralité... tatouages (description)... piercing...
Etat général - traitements et affections (somatiques et psychiques) en cours. Nécessité d'examens complémentaires (biologie, neuroradiologie) en hôpital des prisons ou extérieur.
«Psychose carcérale»? Dépression réactionnelle - insomnie - agitation - idées ou tentatives de suicide... Simulation (maladies générales ou psychiatriques) - Automutilations.
Appétit/grève de la faim.
Problématique avec codétenu(s)/surveillants.
Le sujet dans son rapport avec les faits.

Reconnaît... Nie... Minimise... Manipule... Esquive...
Rapporter en quelques phrases ce que l'on vous reproche.
Qu'en pensez-vous? Dynamique de l'acte.
Regrets... remords... Evocation de la ou des victimes - de leur préjudice.
Traitement psy en prison - en particulier délinquant sexuel - acceptation futur bracelet électronique et attitude vis-à-vis injonction de soins dans le cadre du suivi sociojudiciaire.

Discussion

Partie la plus personnalisée où il ne suffit pas d'établir un banal diagnostic psychiatrique mais à la faveur des données de l'enquête, du dossier, de notre propre examen, d'appréhender l'état mental du mis en examen au moment des faits.

Conclusion

Absence de pathologie ou bien pathologie psychique

- dans ce dernier cas, discuter la relation et l'imputabilité entre les troubles et le passage à l'acte. C'est la clé de voûte de l'art expertal.
Apprécier si au moment des faits, trouble psychique ou neuropsychique de nature à abolir le discernement ou le contrôle des actes, altérer le discernement ou entraver le contrôle des actes.
Apprécier la notion d'état dangereux, au sens médicolégal ou psychiatrique (et non criminologique, au sens social) - en privilégiant les données cliniques plutôt qu'une échelle de risque type Mac Arthur.
Curabilité - réadaptabilité - placement - Injonction de soins.

L'expert aux assises

Décliner nom, âge, fonctions, domicile, prêter serment.
Savoir que les jurés n'ont pas le document, la justice étant réputée orale. Eviter de lire trop servilement - exposer les grandes lignes du rapport qui comprend le rappel de la mission et des faits, l'exposé proprement dit, la discussion et les conclusions, aborder surtout le problème de la responsabilité entière ou atténuée, le sujet est-il amendable ou bien l'évolution comporte-t-elle un risque de récidive.
(Même si le sujet est réputé irresponsable, une réunion est prévue en chambre de l'instruction où toutes les parties sont censées être représentées).

Répondre aux questions du Président, du Procureur, des avocats, du prévenu ou de la partie civile. Une question que l'on apprend aux avocats débutants et qui vise à tenter de déstabiliser l'expert, est de lui demander le temps passé à l'examen. En général, l'inculpé, en fonction du temps figé en détention, l'estime inférieur à la réalité. Il existe plusieurs types de réponses plus ou moins agressives selon le niveau de l'attaque de l'avocat. Un grand expert avait coutume de déclarer de façon soft: «le temps nécessaire pour me faire une opinion», en évitant donc une arithmétique pseudo-scientifique mais certains conseils s'accrochent à leur chronomètre pour vouloir discréditer l'expert, faute d'arguments techniques valables.

Savoir que d'autres expertises dites improprement «contre-expertise» ou «sur-expertise», car toutes sont théoriquement sur le même plan, peuvent avoir été diligentées pour le même cas, et ainsi se trouver à l'origine de débats courtois entre collègues.
Le rapport d'expertise psychiatrique, parfois complété par un examen psychologique, est une pièce maîtresse dans la compréhension du passage à l'acte et de la mentalité de l'auteur présumé. Il nécessite une parfaite connaissance de la séméiologie et de la nosologie psychiatriques pour valider l'éclairage de cet auxiliaire de justice. On constate que le nombre de sujets «bénéficiant» de l'article 122.1 du Code pénal s'est considérablement réduit au fil des années et pourtant que le nombre de détenus atteints de désordres mentaux a cru. C'est dire que les critères d'appréciation ont légèrement varié, mais dans l'ensemble et quoi qu'en dise une certaine presse, les soi-disant «querelles d'experts» sont pratiquement exceptionnelles. Le recueil des données est le plus souvent superposable et seule peut varier l'appréciation de la symptomatologie déstructurante au moment «dt» (dérivée du temps) qui répond à un «rétro-diagnostic», partant décodé de façon variable.